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       Acadie

      Région atlantique du Canada

      Le nom Acadie est une déformation phonétique de Arcadie, région mythique de    la Grèce antique. Verrazzano et d'autres découvreurs de la Renaissance donnent    le nom à une partie du littoral de l'est de l'Amérique du Nord en raison de la    richesse des terres, de l'abondance de gibier, de poisson et de fourrures, et de la    vie simple des habitants autochtones qu'ils y rencontrent.

      Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'Acadie est une colonie française correspondant     essentiellement aux provinces canadiennes actuelles de la Nouvelle-Écosse et  du Nouveau-Brunswick. Colonisée à partir de 1604 par les Français, qui fondent  en 1605 le petit centre administratif de Port-Royal, la région devient rapidement  l'un des enjeux de la rivalité franco-anglaise au Canada, pour des raisons  stratégiques et économiques. La colonie change plusieurs fois de mains avant de  devenir officiellement britannique par le traité d'Utrecht en 1713.

      Entre 1642 et 1732, cependant, une culture originale se développe parmi les    colons français installés en Acadie et qui sont la base du peuple acadien actuel.    Métissée d'influences françaises, micmaques et américaines, cette société de    quelque 12 000 personnes s'est organisée autour de centres comme Port-Royal,    Les Mines (Grand Pré), ou Cobequid, respectant une certaine neutralité par    rapport aux rivalités essentiellement européennes qui font rage autour d'elle.

      Utilisant comme prétexte le refus de prêter un serment d'allégeance sans    conditions à la couronne britannique, le gouverneur Charles Lawrence décide à    compter de 1755 de déporter les Acadiens et de s'emparer de leurs possessions    au profit de futurs colons de religion réformée. Conflits, massacres, déportations    se succèdent entre 1755 et 1800 : c'est le "Grand Dérangement".

      Parmi les déportés ayant survécu en Nouvelle-Angleterre (mal reçus sauf dans    le Maryland catholique), un bon nombre ira s'installer au Bas-Canada (le Québec    actuel), mais d'autres reviennent dans diverses régions des provinces maritimes    du Canada, où leurs communautés fondent la base de l'Acadie moderne. Ayant    transité par une France qui leur semble souvent étrangère, certains repartent    s'installer dans le sud de la Louisiane : ils y constituent la souche du peuple    (a)cadien, que l'américain déformera en cajun. D'autres s'installent un peu   partout, du sud du Poitou aux Malouines, d'Afrique au Texas, constituant une    véritable diaspora acadienne qui est, depuis 1994, la base des Congrès    Mondiaux Acadiens.

      Les petites communautés acadiennes qui voient le jour à travers les provinces    du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'île du Prince-Édouard et    même des colonies de Terre-Neuve et de Saint-Pierre-et-Miquelon, se donnent    peu à peu un certain nombre d'institutions pour contrer les effets dévastateurs    des massacres d'Acadiens du XVIIIe siècle. Prenant, jusqu'aux années 1960,    souvent appui sur l'encadrement de l'Église catholique, elles se donnent des
institutions nationales (à partir des années 1890 en particulier), des collèges (à    partir des années 1860), des écoles (où la revendication pour un enseignement    en français sera constante pendant près d'un siècle), et des outils de    développement pour lutter contre l'exploitation par d'autres (en particulier dans le    domaine des pêches, devenu l'activité principale d'une majorité d'Acadiens) :    l'Acadie est un environnement propice à la coopération et au développement de    caisses populaires, entre autres.

      Au Québec, on compte aujourd'hui environ un million de personnes de    descendance acadienne (parmi lesquelles Jean Belliveau, Geneviève Bujold ou    Gilles Vigneault). Dans le sud de la Louisiane, environ un million de Cadiens    (dont un tiers environ ont encore le français comme première langue) sont la    base de la francophonie dans l'état. Dans les provinces maritimes du Canada, les    Acadiens forment aujourd'hui une minorité francophone très active, qui représente    près de 15 % de la population de la région atlantique avec un peu plus de 300    000 personnes. C'est au Nouveau-Brunswick que l'Acadie affirme le plus son    pouvoir, avec près de 35 % de la population ; mais les communautés acadiennes    des autres provinces affirment également leur présence à tous les niveaux, y    compris dans le secteur de l'éducation et dans le domaine politique, provincial    comme fédéral.

      À partir des années 1970, les Acadiens appuient fortement les mesures mises    en place pour renforcer la présence francophone au Canada, et non seulement au    Québec. La loi sur les langues officielles (1968) et la Charte canadienne des
droits et libertés (1982), legs des gouvernements de Pierre Elliott Trudeau,    permettent en particulier le développement d'institutions d'enseignement, le    contrôle de l'éducation par la minorité acadienne, l'émergence d'un enseignement    supérieur de qualité en français (avec, entre autres, l'université francophone de    Moncton), et la reconnaissance par la constitution canadienne du    Nouveau-Brunswick comme la seule province officiellement bilingue au pays. S'il    faut attendre les années 1960 et Louis J. Robichaud pour avoir un premier    Acadien élu premier ministre de cette province, la présence d'Acadiens au plus    haut niveau politique est maintenant devenue incontournable. Cette implication    dans les structures existantes explique pourquoi la réalité d'un parti acadien    (faible miroir du Parti Québécois) n'a jamais vraiment réussi à s'implanter.

      Le prix Goncourt d'Antonine Maillet pour son roman Pélagie-la-Charrette (1979),    la découverte de la chanteuse Édith Butler par la France, l'enthousiasme pour la    musique cadienne et zydeco, entre autres, ont permis à l'Acadie de déborder
largement ses frontières par une véritable renaissance culturelle depuis les    années 1970. Minorité toujours fragile du fait de la diminution de sa population    (par une dénatalité que comble partiellement seulement une immigration    francophone limitée), sa dispersion relative à travers quatre provinces, ses    divisions régionales, elle offre aujourd'hui un nombre considérable de ressources    dans le secteur du tourisme, de la culture, de l'économie, entre autres - dont    l'ensemble des provinces maritimes, en particulier, reconnaît l'importance. Sa    réalité de communauté nord-américaine de langue française s'affirme encore plus
    par le renforcement des liens entre l'Acadie du Nord et l'Acadie du Sud depuis    une trentaine d'années.

      La diaspora acadienne se retrouve maintenant régulièrement dans ces    manifestations généalogiques et culturelles que sont les congrès mondiaux : le    premier Congrès Mondial Acadien a eu lieu dans le sud-est du    Nouveau-Brunswick en 1994, le deuxième en Acadiana louisianaise en 1999, le    troisième est prévu en Nouvelle-Écosse – la première Acadie – en 2004.

      L'image acadienne a longtemps souffert de la vision idyllique qu'en donnaient    certains voyageurs européens. Elle a été rendue remarquablement visible, mais    aussi réduite, par la vision romantique du poète yankee Henry Wadsworth    Longfellow avec son Évangéline de 1840, exploitant poétiquement une veine    qu'avait déjà utilisée avec The Neutral French Katherine Williams en 1832.    L'existence d'une diaspora, et la vision conservatrice du clergé catholique, ont fait    longtemps comparer les Acadiens aux Juifs. La réalité acadienne est à la fois    plus nuancée et plus complexe, comme celle de toute société devant défendre    une identité et des traditions dans un contexte souvent minoritaire, et en même    temps participer de plain-pied au monde moderne.

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                                                                    Henri-Dominique Paratte

                                                                    dominique.paratte@acadiau.ca

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